02 juin 2012 - Photo (un homme se regarde dans la glace il a un bras coupé).
L'escamoteur
Je n'ai pas de problème de sommeil. Le mien est lourd. Une fois endormi,
je ne suis qu'une masse inerte et tranquille peuplée de rêves tendres et
audacieux. Je peux faire le tour du cadran sans problèmes.
Au réveil, je me fais l'effet d'un gros baigneur qui sent le neuf. La
nuit réparatrice que je viens de passer m'est un bain de jouvence.
Le seul problème, c'est m'endormir. Il faut vous dire que je dors du côté
droit. Et je ne sais jamais quoi faire de ce bras. Il me gêne. Qu'il soit
coincé entre mon tronc et le matelas, qu'il trône au dessus de ma tête
sur l'oreiller ou qu'il repose devant moi entre mes deux jambes ; il est
de trop. J'en ai passé des nuits blanches à cause de lui.
Et il y a de cela quelques années, lors d'une réunion des anciens du
lycée, un camarade m'a parlé de sa toute dernière invention. L'escamoteur
de membres. Je l'utilise depuis tous les soirs sans exception avant
d'aller me coucher. C'est un appareil mécanique et pratique à utiliser
avec la prescription médicale appropriée.
Lors du repas du soir, vous prenez un coagulant hémostatique et un
inhibiteur neuro-lymphatique. Avant d'aller vous coucher, vous
introduisez le membre à escamoter dans la manche de l'appareil – mon bras
droit dans mon cas – vous tirez un coup sec et le tour est joué. Le
membre en question est resté dans l'appareil. Le lendemain, vous n'aurez
qu'à procéder de manière inverse pour remettre le membre à sa bonne et
due place.
Mais ce matin, je ne sais pas ce qu'il m'arrive. J'ai beau m'acharner à
répéter la procédure que j'ai su exécuter pendant des années, rien n'y
fait. Mon bras droit ne veut pas reprendre la place qui est la sienne.
Je n'aurais pas du picoler autant hier soir. Je dois mal m'y prendre. Et
puis, j'ai un morceau de trop. Je ne comprends pas. C'est la première
fois que ça m'arrive.
Bon ! Je vais déjà chausser mes lunettes, prendre un alka seltzer et j'y
verrai plus clair. Déjà, c'est pas un morceau de trop, c'est le tournedos
que j'avais mis à dégeler dans mon coin-cuisine sous une cloche hier
soir. J'aimerais bien savoir ce qu'il faisait posé à côté de mon
escamoteur. Encore un coup du chat de ma voisine. Il a encore du passer
par la fenêtre et voler mon repas du midi pendant que je dormais. Si je
l'attrape celui-là, c'est pas du tournedos que je vais cuisiner pour le
déjeuner mais des rognons. Il va y goûter à l'escamoteur le voleur.
Bon ! Et mon bras dans tout cela. Recommençons depuis le début.
Benoît Dervogne
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Il a dit tu es mon bras droit
L’histoire démarrait mal je suis gaucher
J’ai répondu c’est quoi un bras droit ?
Il a dit quelqu’un sur qui on peut compter
Comme les cinq doigts de la main ?
Il a ri. Je n’aimais pas son jeu.
Il a dit
Tu es trop entier
Tout n’est pas noir ou blanc
Du gris t’habite
Cherche, cherche en toi
Pour trouver quoi ?
Il a dit regarde-toi
Je ne te reconnais plus
Mauvais sang
Pas de sang
Tu baisses les bras
Es-tu vivant ?
Emoi
Qui était en moi ?
Il a dit tu es tout blanc
Il faut couper le mal à la racine
Ses paroles étaient tranchantes
Il a dit……….plus rien
Il n’a plus rien dit
J’étais surpris
Le bras m’en est tombé.
Isabelle Toros
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il est toujours là, sous la table, ce petit, à écouter ce que disent les grands ; il ne bouge jamais, on ne l'entend pas, vous avez de la chance d'avoir un enfant aussi sage....
A quoi joue-t-il ? Il aime assister son père au retour de la chasse à dépecer le gibier ; il aime aussi jouer avec les mouches, les scarabées qu'il peut attraper ; mais quel idiot ! : il croit pouvoir greffer des antennes de scarabée sur la tête d'une mouche , il dit qu'un jour, on pourra prendre le coeur d »'une personne et le placer dans une autre...
Ah! taisez-vous, ce petit est adorable, il ira loin, croyez-moi ! Voyez-vous, chère madame, un jour on pourrait découper un visage et le placer sur le vôtre... Ah, quelle bonne idée ce serait ! Je me trouve trop vieille et trop ridée , alors, je pourrais acheter un vrai visage de jeune fille?
• oui, ce sera cher, mais vous en trouverez bien avec toutes les miséreuses qu'il y a en ce moment...
• pensez donc , il voulait décapiter le chien et le chat pour voir si leurs têtes étaient interchangeables ! J'ai dû le lui interdire
• Un jour, il se trouvera bien un psychologue pour vous affirmer qu'il a une image de soi perturbée..
• Quoi ? Mais quelle horreur ! Je n'ai jamais entendu une stupidité pareille...
Des années plus tard
j'ai fait un rêve, je voulais me laver les yeux, et pour cela, je les posais dans une cuvette pour pouvoir les brosser, extérieur et intérieur, mais je ne savais pas les remettre en place..
Que reste-t-il après le démembrement ? Il faut que je vérifie dans un miroir ; le coeur voyons le coeur, c'est drôle, ça va aussi bien quand je n'en n’ai pas – on peut vivre sans coeur
Quant au bras, branche cassée, elle reverdira au printemps prochain..
Ce qui reste ? l'effroi, que je ne peux retirer de mon visage, il faudrait arracher toute la tête.
M.L. TRISTRAM